Quand des patients décèdent dans les couloirs des Urgences (-5 milliards sur le budget de la sécurité sociale - Loi de Finance 2018 ),

Quand les infirmières et les personnels de santé n’en peuvent plus de devoir dispenser des soins à l'abattage,

Quand des jeunes mères meurent dans les ambulances parce qu’en 20 ans la moitié des maternités a fermé, et qu'on s'en accommode,

Quand des retraités font les poubelles pour manger alors qu’ils ont cotisés toute leur vie,

Quand nos grands-parents sont maltraités dans les EHPAD, faute de moyens et de personnels,

Quand on ferme les écoles rurales à tour de bras,

Quand on affirme sans honte que grâce aux lignes d’autocars, les pauvres pourront voyager plus facilement,

Quand les forces de l’ordre ne seront jamais payées de leurs millions d’heures supplémentaires,

Quand les policiers se suicident en nombre,

Quand les agriculteurs se suicident en nombre,

Quand les petits entrepreneurs et artisans n’en peuvent plus des taxes, des charges et des normes et que rien ne semble venir pour les sortir de l’enfer,

Quand on mutile des gens qui manifestent juste pour pouvoir vivre décemment de leur travail,

Quand des SDF meurent en masse dans nos rues (près de 600 décès de faim et de froid en 2018),

Quand près de 10 millions de français survivent avec un revenu sous le seuil de pauvreté,

Quand des migrants, chassés de leur pays par la pauvreté orchestrée depuis toujours par le reste de la planète (privation de monnaie et de banque centrale africaines) meurent à nos portes,

Quand on détruit les services publiques en les privatisant à la découpe,

Quand on accuse les cheminots d’être responsables des 17 milliards de déficit de la SNCF,

Quand on désindexe de l’inflation sur les pensions de retraites, pour la 1ère fois depuis la libération,

Quand on augmente la CSG de 25,7 %,

Quand on abaisse les APLogement (-1,8 milliards),

Quand on décrète une coupe franche de 15 milliards d’€ sur le budget public dès sa première Loi de finances (2018),

Quand on déclare se « battre » pour l’emploi alors qu’on retire 1,5 milliards sur la politique de l’emploi,

Quand on annule purement et simplement tous les Crédits d’Impôt sur la Transition Energétique (CITE) pour 2019 alors qu’on se réclame de l’Accord de Paris sur le Climat,

Quand on taxe le diesel au profit de l’écologie alors que 80 % des « revenus » générés sont détournés au profit d’autres budgets,

Quand on vote contre les installations de vidéosurveillance dans les abattoirs,

Quand on repousse l'annulation de l'interdiction du glyphosate pour complaire à Mosanto qui finance ses affidés,

Quand un ministre de l’écologie volontariste préfère démissionner que continuer d’avaler des couleuvres,

Quand on détruit le tissu social des entreprises avec la loi travail (Fin des prudhommes, affaiblissement de la représentation syndicale),

Quand on fait la chasse aux chômeurs, « forcément fraudeurs »,

Quand on laisse les multinationales pratiquer la fraude à grande échelle sous couvert d’optimisation fiscale,

Quand on donne à ces mêmes multinationales du CAC 40, des milliards de CICE (40 milliards pour 2019) sans les conditionner à des embauches alors qu'elles enchaînent plans sociaux sur plans sociaux,

Quand on supprime un ISF qui rapportait 4,5 milliards pour empêcher des départs de « riches » qui ne nous privent que de 400 millions,

Quand on instaure la Flat tax qui n’avantage que les grosses entreprises,

Quand on introduit l’Exit tax qui favorise les exilés fiscaux,

Quand on prétend avoir dégagé 10 milliards d’€ (100€ pour le SMIC) alors qu’on n’a fait que joué au bonneteau avec l’argent public (aucun argent exogène),

Quand ceux qui nous dirigent reçoivent des salaires indécents et des enveloppes de 6 000 € minimum mensuel non imposables,

Quand on privatise et vend les biens français à tour de bras (Alsthom Energie aux américains et Alsthom Transports aux allemands), Aéroports de Toulouse et de Paris, La Française des jeux, Alcatel, bientôt les barrages,…),

Quand on préserve la rente autoroutière (Eiffage, Vinci) par des exonérations de contreparties en échange de leur prolongation,

Quand on élimine unes à unes les compétences et le budget des communes (-3 milliards sur les collectivités locales),

Quand on détruit le vivre ensemble en asséchant les subventions aux associations,

Quand on détruit la justice en sapant ses budgets, en revendant ses emprises immobilières vidées par la refonte de la carte judiciaire et en éloignant les justiciables des tribunaux,

Quand on pratique une justice à deux vitesses (de la prison ferme pour un voleur de boites de conserves juste pour manger et, au mieux, du sursis pour les cols blancs (Cahusac, Lagarde, Ferrand, Benalla, Nyssen, Saal, …) tous libres et la plupart promus),

Quand un Premier ministre, ex haut-cadre d’Areva, vit dans un conflit d’intérêts permanent avec la filière nucléaire en contradiction avec les préconisations de l’Accord de Paris sur le Climat,

Quand un Ministre de l’intérieur s’adresse à des enfants de 10 ans pour leur montrer comment on utilise une arme,

Quand on accueille dans la garde rapprochée de l’Elysée des barbouzes en cheville avec des oligarques russes,

Quand on permet la dissimulation de preuves (coffre-fort de Benalla), la collusion entre témoins (Benalla/Crase), la détention de 4 passeports diplomatiques hors procédure, et qu’on les fait sortir de garde à vue,

Quand on nomme, contre toute procédure légale, un Procureur de Paris à sa botte,

Quand on perquisitionne un média (Médiapart) en dehors de toute éthique et de toute légalité,

Quand on perquisitionne les locaux d’un parti opposant (LFI) sans raison valable,

Quand on accuse la France de « crime contre l’humanité » en Algérie alors qu’on en est son Président,

Quand le même déclare que la culture française n’existe pas et qu’il n’a jamais vu l’art français,

Quand le même déclare que la langue allemande a un charme romantique que la langue française ne lui apporte plus,

Quand le même traite ses compatriotes de gens qui ne sont rien, d’assistés qui déconnent, de fainéants, de foule haineuse, de français qui n’ont pas le sens de l’effort, d’illettrés, de jaloux,...

Quand on va parader sans pudeur à la télé aux Restos du Coeur alors que l’objet même des Restos devrait être assumé par l’état qu’on représente,

Quand on limoge sans ménagement un Chef d’Etat-Major des Armées,

Quand le même confond antisionisme et antisémitisme par pur clientélisme,

Quand on pose avec des racailles suantes brandissant un doigt d’honneur,

Quand on fait du jet-ski dans une réserve marine protégée (Parc national de Port-Cros) simplement parce qu’on est LE Président intouchable, et que c’est marrant, et qu’on ne respecte rien,

Quand on signe des traités aussi importants que le traité de Marrackech et le traité d’Aix-La Chapelle sans même faire semblant d’initier le moindre débat au parlement ou nulle part ailleurs,

Quand on mobilise les médias à son seul profit,

Quand on dévoie un « Grand Débat » aux seules fins de faire campagne aux frais de la Nation,

Quand un Président fait campagne pour un parti alors qu’il devrait être le Président de tous les français,

Quand un Président privilégie ses amis milliardaires au détriment du peuple français,

Quand on nie les appels de son peuple, que l’on nie ses souffrances, ses doutes, ses malaises, avec un dédain et une morgue insondables,

Quand on part en vacances alors que sa capitale est en état d’insurrection,

Quand les seules réponses sont répression, punition, violence,

Quand on se prétend philosophe et qu’aucun de vos actes ne relèvent d’une quelconque sagesse, …

Qui donc détruit la République ?

Jean-Charles Aknin

Voilà le témoignage de Magali posté sur le vif à la suite de la mobilisation du 16 mars à Paris.

Nous sommes sur le chemin du retour... et nous sommes en colère... encore plus dégoûtés par le système qui nous gouverne... 
Les mots que je vais vous rapporter ne pourront jamais vous décrire les scènes que nous avons vécu...

Je commencerais par dire que je suis toujours fière de porter mon gilet jaune et que je ne suis pas prête de le lâcher... 💪💪

Les images de feu et de saccages que vous verrez sont choquantes... mais nous, ce que nous avons vécu... la réalité... c'est une véritable guerre civile où nous nous faisons passer pour des méchants. 
Il y a eu, ce jour, plusieurs manifestations... une seule sous la pseudo surveillance des CRS, de la police et de la bac... tous les autres un véhicule de police... pourquoi ? Car nous sommes violents ? C'est bien ce qu'ils veulent vous faire croire... la vérité ? Nous sommes parqués comme des bêtes... gazés en masse... et tabasser... aucune issue... 

Nous avons dû nous réfugier dans un café restaurant tellement les gaz nous prenaient à la gorge... un air devenu irrespirable où que vous soyez... toutes les rues étaient bloquées... afin de lancer les gaz et attaquer... de quoi devenir fou ! Dans ce café imaginez à l'extérieur une épaisse fumée de gaz où vous percevez des gens prendre la fuite sans issue... tabassant les vitres du café tellement ils manquaient d'air... je n'exagère pas la scène quand je vous dis que ces personnes manquaient d étouffer devant nos yeux... impuissants... qu'avons nous fait pour mériter ça ? Hurler haut et fort les injustices de ce pays.... réclamer le droit de vivre et non plus survivre... 

Nous étions face a la banque qui a pris feu... je serais incapable de vous affirmer qui y a mis le feu tellement la confusion des tirs et des attaques étaient importante ... mais je vais rétablir une vérité... ce n'est pas un policier qui a sauvé des flammes l'enfant mais bien les pompiers... les flics n'ont pas bougé un seul petit doigt après le déluge qu'ils avaient voulu... une honte de mentir à ce point pour redorer une image qui est bien terni à mes yeux... et salir un mouvement du coeur qui leur font peur... car il est bien là le problème... ils ont peur... alors stop, ces discours nous dénigrant... et vous, si ma parole ne suffit pas, venez... vous n'en croirez pas vos yeux... 

Aujourd'hui Paris était jaune ... jaune de français venus de tous les départements... très loin des chiffres annoncés (multipliez au moins par 10)... des personnes de tout âge et tout horizon... qui espèrent... comme je continue à espérer... 
Comme nous le scandions dans les rues, ne nous regardez pas, rejoignez nous ! 
Ce combat est très loin de s'arrêter... ce combat, je le continue... nous le continuons... pour nous, nos enfants et nos proches... 
On lâchera rien 💪💪
Merci si vous avez pris le temps de me lire... 
Pour les autres... je vais me taire cela est préférable lol

"Quelle que soit son issue, le mouvement des gilets-jaunes aura au moins eu un mérite: mettre à nu les rouages de ce régime corrompu jusqu’à la moelle depuis que les politiciens de tous bords, "gaullistes" compris, ont décidé de déconstruire ce qui fut le contrat social de la Cinquième République. A force de modifications, de changements, d'altérations, de rectifications, de retouches, ni l'esprit ni la lettre de cette constitution ne sont plus respectés. Nous vivons depuis des années avec une règle du jeu édictée par des faussaires ayant pour nom: Mitterrand et Chirac, Sarkozy et Hollande.

Les logiciens connaissent bien l'argument du bateau de Thésée rapporté par Plutarque: pendant des siècles, on a gardé respectueusement la barque de Thésée, qui avait combattu le Minotaure. Régulièrement, les Athéniens changeaient les planches qui s'abîmaient. Un jour, il n'y eut plus une seule planche d'origine. Certains dirent alors que ça n'était plus son bateau; d'autres affirmaient au contraire que si; pendant que d'autres encore débattaient pour savoir avec quelle planche, la première rajoutée, la dernière enlevée, ou bien celle après laquelle les planches d'origine ont cessé d'être majoritaires, le bateau de Thésée n'a plus été le bateau de Thésée.

Vingt-quatre lois ont modifié la constitution de 1958 jusqu'à ce jour! Sur les 92 articles de départ, il n'en reste plus que 30 d'origine! Elle est donc morte depuis longtemps... On fait semblant de la révérer, or elle est piétinée régulièrement par la classe politique dans l'intérêt de ses opérations de basse police, droite et gauche confondues. Qui peut bien imaginer que la cohabitation et le quinquennat puissent relever de l'esprit gaullien? Qu'un référendum perdu puisse être purement et simplement annulé par la coalition des politiciens maastrichtiens de droite et de gauche? Qui?

Depuis Maastricht, les révisions qui concernent l'Europe vont dans le sens d'une destruction de la nation française au profit de

Mathieu Tartarin, un Français qui, comme tant d’autres, soutient les gilets jaunes, a souhaité s’adresser aux forces de l’ordre qu’il soutient également. Cependant, comme de nombreux autres soutiens des gilets jaunes, il regrette et ne supporte plus les méthodes que le gouvernement ordonne à la police d’utiliser ainsi que leurs conséquences dramatiques : blessés, manifestants dans le coma mutilés, etc.

Cette lettre a été diffusée sur le site Adoxa.Info

Chers membres de la police et de la gendarmerie,

Voilà maintenant neuf samedis que les Gilets jaunes battent le pavé des grandes villes. Voilà surtout plus de deux mois qu’ils manifestent sans discontinuer, dans toute la France : ronds-points, zones commerciales, péages et autres lieux de passage sont investis pacifiquement par des citoyens comme vous, qui n’en peuvent plus de ne pas pouvoir vivre de leur travail, qui n’en peuvent plus d’être méprisés par une certaine classe politique.

Vous l’avez constaté vous-mêmes, le mouvement est bon enfant et il vous suffisait souvent de discuter avec les Gilets jaunes pour dénouer dans le calme les tensions qui pouvaient subvenir. Mais vous avez des ordres, que vous devez appliquer. Et ces ordres vous ont enjoint de chasser sans ménagement les Gilets jaunes des ronds-points.

Surtout, votre hiérarchie, et à travers elle le pouvoir politique, vous a demandé de réprimer très durement les manifestations dans les grandes villes, tout en étant curieusement moins sévères avec certains casseurs, pourtant bien identifiés.
Chaque samedi est une triste litanie de visages défigurés, d’innocents mutilés, de manifestants pacifiques molestés et gazés. Certes, vous, membres des forces de l’ordre payez aussi le prix du sang dans des débordements que nous réprouvons, victimes aussi d’une fatigue, d’une usure physique et morale due à votre surcharge phénoménale de travail.

Pour autant, voir des Gilets jaunes perdre un œil ou une main à cause du matériel en dotation et surtout de la manière dont on vous ordonne de l’employer est honteux. Il est honteux de vous donner l’ordre de gazer des manifestants pacifiques, de leur tirer dessus au LBD 40 à hauteur de visage. Il est honteux de voir Olivier, tiré de dos au flashball à Bordeaux lors de l’acte IX, être plongé dans le coma suite à ses blessures.

Ces ordres, qui vous sont donnés par le ministre de l’Intérieur, sous l’aval du Président de la République et du Premier ministre, sont honteux et mettent la vie de Français en danger. C’est d’ailleurs à cause d’eux que les Gilets jaunes existent. Ce sont eux qui mettent de l’huile sur le feu. À chaque fois qu’ils parlent, ils insultent ces Français qui travaillent tous les jours et qui n’arrivent pas à finir le mois sans être dans le rouge, ils insultent les retraités qui ont travaillé toute leur vie pour notre pays, ils insultent toutes les forces vives de ce pays, dont nous Gilets jaunes et vous, forces de l’ordre, faisons partie.

Vous ne pouvez et ne devez plus défendre ceux qui sont responsables de l’état de notre pays aujourd’hui. Un pompier ne défend pas un pyromane, alors pourquoi protégez-vous ceux qui insultent la France et les Français ? Contrairement, à ce que racontent ces hommes politiques, nous ne voulons pas un putsch, mais le retour aux urnes : que le Président décide de dissoudre l’Assemblée nationale ou qu’il remette son mandat en jeu. Les Français n’ont plus confiance en ce Président élu par défaut et non pour son programme. Les Gilets jaunes, et derrière eux une majorité de Français qui comprennent et soutiennent le mouvement, souhaitent simplement être justement représentés et défendus par ceux dont ce devrait être la mission.

Et si jusqu’à présent, vous avez bénéficié d’un relatif soutien de la part des journalistes « mainstream », ne vous y trompez pas. Certes, ils ont relayé les messages gouvernementaux destinés à faire peur aux Français pour les couper des Gilets jaunes ; certes, ils ont bien souvent regardé ailleurs quand vous appliquiez vos ordres illégitimes.
Mais ce sont les mêmes journalistes qui vous ont cloué au pilori sans preuve lors de « l’affaire Théo ». Ce sont les mêmes journalistes, qui à chaque fois que vous intervenez en banlieue, vous insultent et vous salissent parce que vous touchez à cette fameuse « diversité » qui leur est chère, sans, le plus souvent, la connaître.
Vous savez mieux qu’eux ce que sont les territoires perdus de la République pour y risquer votre vie. Ces territoires où les hommes politiques déversent des milliards pour acheter – en pure perte – la paix sociale.

Vous le savez, malgré l’action des hommes politiques et les discours de journalistes destinés à monter Gilets jaunes et Forces de l’ordre les uns contre les autres, nous partageons les mêmes problèmes et les mêmes attentes. Les taxes et les impôts vous assomment autant que nous ; vous avez plus de raison que nous d’être dans la rue à cause des budgets qu’on vous alloue. Vous devez faire toujours plus d’heures avec toujours moins de personnels et moins de matériels.

Vous l’avez compris, je sais à quel point vous faites un travail difficile et je vous soutiens. Pourtant, l’heure est grave et la France a besoin d’un geste de votre part. Vous ne pouvez pas faire grève, bien sûr, mais d’autres moyens s’offrent à vous pour exprimer votre ras-le-bol de la situation impossible dans laquelle le pouvoir politique vous a enfermés.
Je ne vous demande pas la lune, juste d’aider la France à retourner aux urnes pour qu’elle se dote d’un pouvoir politique qui lui ressemble, qui la défende, qui nous défende.

"Macron l'éborgneur" : il est allé trop loin, il doit partir. Par Frédéric Lordon

Source : Le Monde diplomatique, Frédéric Lordon, 28-01-2019

La vidéo tournée d'un immeuble en hauteur plonge sur une cour de récréation du 19e arrondissement d'où monte un grand cri scandé : « Macron démission ! Macron démission ! ». Ce pouvoir est devenu l'objet du lazzi des enfants. Normalement un régime qui en est là ne connaît plus qu'une forme ou une autre de sursis.

On ne spéculera pas plus que ça sur le sens politique des petits. Davantage sur le degré auquel le pays est imprégné de la détestation du monarque pour que les mioches en aient capté quelque chose. En tout cas, les petites éponges de cour de récré ne se trompent pas : il est haï. Et pour des raisons écrasantes, incontestables, dont la gravité ne cesse d'ailleurs de croître. 

Dans la série graduée des actes par lesquels un souverain en vient à perdre sa légitimité, le point maximal est atteint quand il prend le parti de constituer sa population en ennemie, et par conséquent de lui faire la guerre. Nous en sommes là, littéralement. Déployer des blindés en ville, équiper les forces de police de fusils à pompe, et même de fusils d'assaut, infliger aux manifestants des blessures... de guerre, c'est bien être en guerre. Du reste, s'il en est à prévoir des plans d'exfiltration des ministres et à prépositionner un hélicoptère pour évacuer l'occupant de l'Élysée, c'est que ce régime lui-même ne s'illusionne pas tout à fait quant à la réalité de ses rapports avec « sa » population.

En vérité, ce pouvoir est symboliquement à terre. Il a franchi un à un tous les seuils du discrédit, et puis ceux du scandale. Il ne lui reste plus que la force armée pour contenir la contestation. Et, pour tenir le reste, celle des répétiteurs médiatiques qui s'acharneront jusqu'au bout à soutenir qu'élu régulièrement, haut la main ajouteront même les plus bêtes ou les plus oublieux des conditions réelles de son élection, il est entièrement « légitime ». Nous apprenons donc de leurs bouches autorisées qu'un dirigeant, pour peu qu'il ait satisfait à une comédie électorale entièrement truquée, peut parfaitement mutiler ses opposants, envisager de leur faire tirer dessus au fusil d'assaut — une image que, pour tout leur récent bon vouloir, les médias n'ont pas encore trouvé le temps de montrer —, s'engager dans des voies juridiques proto-totalitaires, sans que sa « légitimité » soit le moins du monde remise en question.

En vérité, ce pouvoir est symboliquement à terre. Il a franchi un à un tous les seuils du discrédit, et puis ceux du scandale. Il ne lui reste plus que la force armée pour contenir la contestation.

Malheureusement, ces verdicts de légitimité ne valent pas mieux que la légitimité de ces véridicteurs. Or, de ce côté non plus la situation n'est pas fameuse. On n'en finit pas, par exemple, de contempler les étonnants renversements qui conduisent l'éditocratie à trouver horrifiant ici ce qu'elle trouvait admirable là, et réciproquement. «Qu'ils dégagent ! » en Tunisie : magnifique ; « Macron démission ! » : foule haineuse. Place Tahrir : printemps arabe ; Place de l'Étoile : hordes de casseurs. Crémation des statues de Chávez : peuple en lutte ; parodie de guillotine pour Macron : extrémistes violents. Police poutinienne : dictature ; police macronienne : ordre républicain.

À ce sujet, précisément, Bloomberg, organe bien connu pour ses sympathies révolutionnaires, titre ceci : « La réponse de Macron aux "gilets jaunes" fait paraître Poutine modéré en comparaison (1) ». On voit d'ici le tableau sauter dans les têtes de Laurent Joffrin ou Jérôme Fenoglio, les soudures qui se défont, les écoulements de matière cérébrale par les oreilles : comment se peut-il ? Poutine, pourtant le nom propre de la tyrannie ? Macron pire ? C'est impossible. Logiquement, pas un média français n'en parlera. Ordinairement très préoccupés du prestige international de la France, des regrettables dommages que peuvent lui causer d'irresponsables mouvements de grève de fonctionnaires, pas un n'a rapporté la stupéfaction de la presse anglo-saxonne qui observe, médusée, le devenir néofasciste du macronisme. Ni, symétriquement, le fait que le gilet jaune est devenu une sorte de symbole international, adopté par tous ceux qui sont en lutte, où l'on pourrait trouver de quoi nourrir une certaine fierté — question de point de vue, sans doute.

Voilà en tout cas où en sont encore les diseurs de légitimité. Obstinés à maintenir qu'un pouvoir en guerre contre sa population n'en est pas moins tout démocratique. Car c'est là le propre de l'inconséquence médiatique qui, après avoir occulté les violences policières pendant deux mois, se met d'un coup à en parler, d'ailleurs plus sous l'effet de l'emballement mimétique que d'un quelconque retour de conscience, mais pour n'en tirer aucune conclusion substantielle. La « démocratie » fait la guerre au-dedans, elle s'apprête, sous les approbations de l'extrême droite, à passer une loi de musèlement de toute forme de contestation, mais ça ne pose pas le moindre problème de principe. Si bien qu'on peut continuer d'en appeler au « Grand débat » au nom de « la démocratie » même, comme de juste. Pendant que, samedi après samedi, les hôpitaux se remplissent. Et que les tribunaux débordent.

Il s'agit donc maintenant de faire savoir à ce pouvoir qu'il est trop tard, beaucoup trop tard. En fait même, que c'est fini. Pour cette raison toute simple qu'on ne parle pas avec des institutions qui, après avoir fait pendant trois décennies la démonstration constante de leur absolue surdité, sont désormais de fait passées au stade militaire (grenades au TNT, blindés, fusils d'assaut : stade militaire). Et dont on ne voit pas par quel soudain accès de sincérité, elles se seraient miraculeusement converties à «l'écoute ».

On pense au misérable QCM gouvernemental, à ses lignes déjà toutes tracées (« Baisser le taux d'impôt sur les sociétés à 25% »« Rendre la fiscalité du capital comparable à celle des autres pays européens pour stimuler l'investissement, y compris en supprimant l'ISF »), à sa manière toute particulière de poser les questions Identifier le type de dépenses publiques à baisser », « Faut-il supprimer certains services publics ? »),bref à cette parfaite ouverture du débat ouvert (2). On pense aussi à ce qu'écrit Éric Vuillard dans sa Guerre des pauvres (il s'agit de la révolte paysanne emmenée par Thomas Müntzer dans l'Allemagne du XVIe siècle) : « C'est alors que le duc Albert de Mansfeld entama des négociations. Il fallait que ça traîne en longueur, afin de démoraliser l'adversaire et de gagner du temps. La négociation est une technique de combat (3) ». Et il faudrait aller « dialoguer » dans ces conditions ?

Pour l'éditorialiste du Monde, la réponse ne fait pas de doute. « L'ultraviolence » de ceux qui veulent « attaquer la République (...), voire renverser le gouvernement (...) est la négation de la tolérance et du débat (...), [l']ennemie de la démocratie ». Ici la revue de détail est complète : il ne manque pas un recouvrement, pas une escroquerie nominale, pas une fausse position de problème — tout n'est-il pas d'ailleurs joué quand le texte s'intitule « Gilets jaunes : la violence ou le débat » ? Il est vrai qu'il date énormément, du 7 janvier, une éternité, une époque en tout cas où Le Monde ne s'était pas encore aperçu qu'il y avait des violences policières. Ni ne savait comment on organise les « Grands débats ». Au demeurant, maintenant il le sait et, visiblement, ça ne change pas grand-chose à sa manière de concevoir « la tolérance et le débat » — on aura même sous peu l'occasion de mesurer quel degré de pantomime Le Monde est capable d'endosser pour maintenir la fiction de la démocratie (élevé, pressent-on).

En tout cas, nous savons que, dans une tête d'éditorialiste du Monde, la politique ne connaît qu'un état possible : « le débat », à part bien sûr son opposé maléfique : « la violence ». Qu'on doive débattre, soit pour trancher des différences de troisième ordre au milieu des questions écrites par le gouvernement, soit à la rencontre des LBD, ça n'ôte rien, aux yeux du Monde, de sa qualité de débat au « débat ». La « démocratie » a les défenseurs qui lui correspondent exactement.

Hormis la philosophie d'éditorialiste et les scénographies présidentielles aimablement relayées par les chaînes d'information en continu, ça n'est pourtant pas ainsi que les « gilets jaunes » l'entendent. Assez logiquement, les institutions présentes, et celui qui en incarne les tares au plus haut point, récupèrent aujourd'hui la fin de non-recevoir appelées par leurs propres fins de non-recevoir administrées pendant trente ans. On peut autant qu'on veut ripoliner de « démocratie » des institutions sous prétexte qu'elles pratiquent l'élection, et de temps en temps la parlote, sans que cela suffise à en faire des institutions démocratiques.

En fait, les institutions de la surdité organisée finissent toujours par recueillir l'émeute, et c'est dans l'ordre des choses. Un certain philosophe écrit ceci dans un de ses traités politiques : « Les séditions, les guerres, le mépris ou la violation des lois doivent être imputées, c'est certain, non tant à la méchanceté des sujets qu'au régime vicieux de l'État (4) ». Et telle est bien, à l'os, la seule conclusion valide à tirer des événements actuels : ils ont pour cause que le régime de l'État est vicieux.

En fait, les institutions de la surdité organisée finissent toujours par recueillir l'émeute, et c'est dans l'ordre des choses.

Parfois aussi, c'est sous la forme la plus innocente que se laisse découvrir la vérité : un syndicaliste policier, invité de l'émission d'Arrêt sur images (5), exprime avec une désarmante candeur son désarroi : « Les manifestants ne jouent plus le jeu ». C'est tellement complet, tellement profond, que c'en est vertigineux. En un mot, tout est dévoilé. La pantomime démocratique-sociale, c'était un jeu. Vous faites semblant de demander, nous faisons semblant d'écouter — n'oubliez pas de vous munir de vos merguez, et soyez rentrés pour 18 heures. Incidemment, le syndicaliste policier nous apprend que dans la liste des morts en puissance, on pourrait bien compter, non seulement Macron, les institutions de la Ve République, la presse, mais aussi les confédérations syndicales (au désespoir de leurs bases, souvent admirables) : mortes d'inutilité, pour n'avoir fait trop longtemps que « jouer ». Car voilà la chose enfin dite : Bastille-Nation, c'était un jeu.

Comment s'étonner que, la nullité des médiateurs visible de tous, le jeu de la « médiation » n'ait plus la cote ? Depuis 1995, aucune action revendicative dans la forme réglée de la manifestation n'a rien obtenu — c'est bien plus probablement la part « débordante » du mouvement anti-CPE qui lui a valu son succès. Mobilisation après mobilisation, on a vu monter le « seuil d'écoute » du pouvoir : un million de manifestants, puis un et demi, puis deux, en-dessous de quoi : rien (en fait, au-dessus de quoi, rien non plus). Ce que pour le coup on peut appeler le « minimum syndical » n'a jamais cessé d'être rehaussé. Et les syndicats, qui aiment tant le jeu qu'ils sont prêts à le jouer à n'importe quelle condition, de ramer pour mettre toujours plus de monde dans la rue pour toujours moins de résultat. Une syndicaliste dépitée du SNES admet elle-même : « Depuis la réforme des retraites en 2003, les gens ont intériorisé l'idée que la grève ne servait à rien pour se faire entendre » (6). En effet, dans ces institutions-là, rien ne sert plus à rien pour se faire entendre. Alors, voyons : que reste-t-il pour se faire entendre quand il n'est plus possible de se faire entendre ? — à part la voie des « gilets jaunes ».

De là le policier un peu stupéfait, et ses manifestants qui « ne jouent plus le jeu ». C'est exact : les « gilets jaunes » n'ont plus envie de jouer. Ils ne jouent plus le jeu, pour avoir tout simplement compris cette vérité tautologique que, dans le monde de la surdité institutionnalisée, on ne parle jamais qu'à des murs. Voilà très exactement ce que signifie que « le régime de l'État est vicieux » : délibérément fermé à tout, il ne laisse d'autre alternative que de le souffrir tel quel ou de le renverser. Souffrir : depuis, trente ans, c'est assez. Donc le renverser.

Au stade où nous en sommes, d'ailleurs, il n'est plus seulement question de la surdité des institutions, mais aussi de l'infamie des personnes, qui fait du renversement presque une exigence sanitaire. On dit qu'on connait quelqu'un à ceux dont il fait ses proches. Castaner, Griveaux, Benalla. Benalla, nous commençons à être fixés. Griveaux, on a bien avancé également (7). Non, là c'est Castaner qui fait une percée. « Aucun policier n'a attaqué de "gilets jaunes" », c'était déjà une sorte d'exploit. Ici on se demande : que peut-il se passer dans une tête comme celle de Castaner pour oser ceci quand (normalement) il doit savoir que les réseaux sociaux sont submergés des preuves de son obscénité ? Mais on connait que quelqu'un a atteint le dernier degré de l'ignominie quand ses efforts pour tenter de s'en tirer l'y enfoncent encore davantage : quelques jours après, réflexion faite, « il y a eu des atteintes graves à la vision ». Même France Info, la honte du journalisme, n'osera pas reprendre tels quels les éléments de langage du ministre — il faudra bien parler d'yeux crevés.

On notera que, comme Griveaux, Castaner vient du Parti socialiste. Et c'est comme une sorte de destin historique de la social-démocratie, ou d'une certaine « gauche républicaine », de se rouler dans la honte, depuis Thiers jusqu'à Collomb, en passant par Ebert. Et maintenant Castaner. « On parle de perte d'œil, je préfère ne pas reprendre ce terme-là ». Qu'est-il possible, même à froid, de penser d'un individu comme Castaner ? Qui peut encore lui accorder le moindre respect, à lui, mais aussi à celui qu'il sert, et aux institutions qui maintiennent de tels personnages ?

Yaël Pivet-Braun, la présidente LREM de la commission des lois déclare sur RFI qu'elle « ne croi(t) pas qu'il y ait eu d'abus des forces de l'ordre (8) ». Comment des députés LREM peuvent-ils s'étonner de retrouver murées leurs résidences ou peinturlurées leurs permanences ? Par exemple : vous aviez deux mains, une est arrachée par une grenade qui est une arme de guerre. Là-dessus, vous vous entendez dire qu'il n'y a pas eu d'abus des forces de l'ordre, et même, de TF1, qu'il n'y a aucun blessé grave. Puis Macron ment outrageusement. « Vous êtes le seul pays qui utilise des grenades contre sa population » l'interpellent des étudiants à l'université de Louvain — « Alors là, vous dites n'importe quoi ». Qui niera qu'il y a de quoi avoir des envies de parpaings et de truelle ? — même à une seule main. Et si c'est plutôt votre œil qui a fini dans une poubelle d'hôpital, Castaner préfère ne pas utiliser ce terme-là. On y réfléchit posément, et on se demande : qu'est-ce qu'on peut faire avec ces gens-là ? Y a-t-il quoi que ce soit d'autre à faire que de les chasser ? Peut-être même faudrait-il s'aviser de le faire sans tarder, avant qu'ils n'aient achevé de refermer sur nous un État policier forteresse.

Élu avec un soutien réel d'à peine 10,5 % du corps électoral (9), tenu, par les conditions mêmes du second tour, de se séparer d'une partie de son programme, foulant au pied cet élémentaire devoir moral, portant et la violence sociale et le scandale de l'enrichissement des riches à un point inouï, recevant pour ces textes les plus sinistres l'approbation répétée de l'extrême droite à laquelle il était supposé faire barrage, et désormais en guerre plutôt qu'en marche, Macron est allé trop loin, beaucoup trop loin. Il n'a plus aucun titre à faire valoir pour sa légitimité — à part les proclamations obstinées de l'éditorialisme de service.

Le propre des grands événements politiques, c'est qu'ils sont des leçons de choses — ici, comme une physique de la légitimité, et de ses effondrements. À cet égard, Arendt, s'interrogeant sur le paradoxe qui veut que le mot « révolution » vienne de l'astronomie, où il désigne non pas du tout le changement mais le retour circulaire du même, Arendt, donc, signale qu'il emporte aussi l'idée d'une nécessité irrésistible. C'est une révolte, non sire c'est une révolution indique à Louis que cette fois-ci c'est cuit : ça lui vient dessus avec la force de l'inéluctable, il n'y échappera pas. On a sans doute le devoir intellectuel de se méfier de la résonance en histoire, mais on ne peut pas non plus ne pas être sensible à ses avertissements, et parfois à ses charmes.

À l'époque, déjà, Christophe Barbier ne voyait pas ce qu'on pouvait opposer à la légitimité de Louis XVI puisqu'il avait été installé selon les procédures régulières de la succession dynastique — parfaitement légitimes, ainsi, par conséquent, que le produit de leur opération. Ce que ces gens sont à l'évidence incapables de voir, c'est que la légitimité n'est pas une qualité substantielle. Un temps les institutions sont dites légitimes. Et puis un jour on les regarde sous un autre angle, et on se dit qu'en fait elles ne le sont pas. Alors elles tombent, et toujours de la même manière : sous le poids du scandale.

Il s'en suit, pour les personnages de l'époque, qu'ils viennent prendre une certaine place dans l'Histoire — leur place. Celles de Castaner et de Macron sont en train de s'aménager. Macron va rester dans l'Histoire, c'est désormais acquis. Comme Macron-l'éborgneur, ou Macron-la-grenade. Peut-être Macron-l'hélicoptère. Ce serait souhaitable. Car maintenant, il faut qu'il parte.

Frédéric Lordon

Source : Le Monde diplomatique, Frédéric Lordon, 28-01-2019

Vidéo à voir.

Violences policières: des blessés parlent

https://www.youtube.com/watch?v=OtuuzOYXzE4

 

Sous-catégories

Catégorie où sont rangées les revendications

Catégorie doléances

Catégorie concernant le RIC

Articles sur le RIP ADP