Mr Castaner,

Nous avons appris par voie de presse que vous aviez procédé, le 16 juin dernier, à la décoration de 9162 membres des forces de l’ordre (« promotion exceptionnelle médaille de la sécurité intérieure « gilets jaunes ») au nombre desquels figurent 6 policiers actuellement impliqués dans des enquêtes concernant des violences policières.

Certains ont bénéficié de cette distinction avant leurs faits d’armes controversés.

Comme le commissaire divisionnaire Grégoire Chassaing qui, à Nantes le 21 juin, (5 jours après sa promotion) lors de la fête de la musique, a ordonné de gazer des jeunes fêtards rassemblés près d’une berge de la Loire. Intervention qui a provoqué la chute de 14 personnes paniquées dans le fleuve parmi lesquels Steve, porté disparu depuis ce jour.

Et le commandant divisionnaire Yves-François Botella qui a donné l’ordre de gazer les militants écologistes pacifiques sur le Pont de Sully, le 28 juin à Paris, soit 7 jours après sa promotion.

Nous concevrons donc, pour le cas de ces 2 policiers, que vous ne pouviez pas savoir et que ces médailles auront eu pour funeste effet de les encourager à commettre les actes violents pour lesquelles ils sont mis aujourd’hui en cause. Les médailles ne sont-elles pas faites justement pour motiver les troupes ?

Par contre, bien avant d’être promus, 4 autres de ces médaillés s’étaient déjà distingués par leur ardeur à réprimer et étaient déjà mis en cause dans des enquêtes dont l’objet porte sur leur violence policière.

1er décembre 2018 : Le capitaine Bruno Félix faisait partie des policiers auditionnés dans le cadre de l’enquête sur le décès de Zineb Redouane. Ce CRS commandait ce jour-là les auteurs des tirs.

1er décembre 2018 : Le commandant divisionnaire Dominique Caffin faisait partie des CRS qui ont matraqué plusieurs manifestants dans un Burger King, à Paris, dont nous avons tous vus les images.

Et enfin 2 représentants des forces de l’ordre bien connus à Nice :

23 mars 2019 : Le commissaire Rabah Souchi, qui était à la tête de la charge de police ayant causé de graves blessures sur la militante pacifiste Geneviève Legay, 73 ans ; charge jugée par un capitaine de gendarmerie sommé d’y participer comme « disproportionnée ».

Et la compagne dudit Souchi, Hélène Pedoya, présente le jour des opérations et chargée elle-même de l’enquête sur les violences policières commises par son conjoint.


Bien sûr nous savons que les violences policières dans notre pays n’existent pas, qu’à votre connaissance aucun policier n’a jamais attaqué un manifestant.

Bien sûr nous savons que toute personne en jaune, portant du jaune ou semblant supporter des passants portant du jaune, ou pas, bien que complice, jouit du droit absolu, parce que constitutionnel, de circuler et de manifester en toute quiétude.

Bien sûr nous savons que toute expression contraire à votre vérité est autorisée, que nous sommes dans un pays démocratique bercé par la diversité des opinions, et que la liberté coule dans les veines de chaque français autant que dans les vôtres.

Bien sûr nous savons qu’il n’existe pas d’opposants politiques réprimés comme tels dans notre pays.

Bien sûr nous savons que la justice est la même pour tous, les jaunes, les pauvres, les riches et les élus du peuple.

Bien sûr nous savons qu’aucune surveillance outrancière ne scrute nos allers et venues et n’analyse nos opinions.

Bien sûr nous savons que les forces de l’ordre que vous commandez sont avant tout des gardiens de la paix extrêmement respectueux de l’intégrité physique des citoyens quels qu’ils soient et que leur discernement est à la hauteur des instructions que vous leur donnez.

Bien sûr nous savons que les dizaines de milliers de projectiles, de munitions en tout genre et les milliers de litre de gaz répandus dans les rues de toutes les villes de France ne sont que pures manifestations de fraternité et d’amitié de la part de vos troupes quelque peu extraverties.

Bien sûr nous savons que toutes les personnes mutilées, éborgnées, matraquées n’existent pas, ou qu’au plus, ont fait preuve d’imprudence, d’inconscience et, pourquoi pas, de malchance alors que les policiers bonhommes ne ciblaient que des terroristes, sortis d’on ne sait où, du jour au lendemain, telle une génération aussi spontanée que mystérieuse.

Bien sûr nous savons que la population française est heureuse, hédoniste, jouissant de tout le confort qu’un peuple pourri-gâté peut espérer.

Bien sûr nous savons que les débordements de ces derniers mois sont le fait de méchantes personnes dont la volonté est de mettre à bas votre pouvoir et votre « démocratie » tant aimée et si aimable.

Bien sûr nous savons que vous, vos amis du gouvernement jusqu’à votre Prince, êtes des gens d’une sagesse inégalable, dont le rayonnement pourrait/devrait être envié par tout peuple pour lui-même et qu’en fait, nous avons de la chance de vous avoir.


Alors forts de toutes ces libertés amoncelées, de tous ces bonheurs partagés et de cette félicité indépassable, nous concevons que vous vous sentiez le droit de faire comme bon vous semble et même de faire n’importe quoi.

Comme de gazer des écolos pacifiques après que votre Gourou ait déclaré la semaine précédente, aux côtés d’Elton John, qu’il avait besoin, comme le font les jeunesses de France et d’Europe pour le climat, qu’on lui rende la vie impossible.

Comme de recevoir, un matin à l’Assemblée Nationale, l’icône écolo Greta Thunberg, et de voter l’après-midi même l’accord commercial écologiquement mortifère du CETA

Ou comme de supporter les aveux de mensonge du procureur de Nice et les pardonner au regard de la bonne excuse qu’ils étaient justifiés par la protection de l’Être Suprême, Président de la République, pour le confort duquel on doit sacrifier son intégrité et son honneur.

Pour vous, vos amis du gouvernement et de l’assemblée, ainsi que pour votre Autistissime Roitelet, les occasions de faire n’importe quoi ne manquent pas. Il serait trop long de les lister.


Alors maintenant, comment exprimer notre indignation face à ce désert moral où l’intelligence, le discernement, l’honneur, la justice et la justesse, la sagesse et toute autre sorte de vertu ont disparu.

Alors comment exprimer notre désarroi devant ce maelström inextricable où s’enchevêtrent duplicité, mauvaise foi, abus de pouvoir, iniquité, mensonge, indifférence et férocité.

Au point d’incurie démocratique, d’inanité morale, d’irresponsabilité politique où nous en sommes, il n’y a plus rien à attendre de vous, retranché derrière votre pouvoir que vous croyez absolu, cultivant autisme et surdité. Vous êtes, comme tous ceux de votre clan, le trou noir où a disparu définitivement toute idée de dialogue.

Alors, il ne nous reste plus qu’à proclamer seuls, debout sur les ruines du Pays des lumières, ce que nous voyons, ce que nous comprenons de vos actes malveillants.

Voilà donc la réalité crue.

Avec vos médailles en chocolat, vous décorez des brutes épaisses (celles choisies par vos agents zélés) pour perpétrer leurs instincts prédateurs ;

Avec vos médailles en chocolat, vous armez la répression et encouragez les pulsions agressives.

Ce faisant, vous jetez en pâture des milliers de citoyens tranquilles et pacifiques à ces nervis assoiffés de violence gratuite et autorisée.

Ce 16 juin, le blanc seing que vous avez accroché à leur poitrail impatient leur donne permis de frapper, de mutiler et enfin de tuer sous le couvert dévoyé de « violence légitime ».

Pire, votre morgue irrespectueuse laisse supposer qu’aucune pensée particulière pour Geneviève Legay, Zineb Redouane, Steve, leur famille et pour les innombrables personnes marquées à vie dans leur chair, ne sera venue à ce qui vous reste d’esprit.

Compassion, ce sentiment qui fit qu’un jour de préhistoire, un singe devint homme, semble avoir définitivement désertée votre cortex.

 

Votre stratégie : en mutiler un, pour en terroriser mille.
Voilà ce que le fiel qui coule dans vos organes vous inspire.

Peu vous chaut de gouverner, votre credo est d’écraser le peuple, un peuple que vous avez pourtant pour devoir d’écouter et de protéger.

Mais nous savons aussi que de cela, de cette grande et belle charge, vous n’en avez jamais eu la moindre conscience, la moindre notion. Seuls vous guident votre intérêt de caste, de clan et, plus probablement, votre intérêt bassement et pauvrement personnel.

 

Mr Castaner, vous n’êtes pas ministre.
Vous ne méritez même pas d’être citoyen puisque, du peuple, vous avez fait sécession.

Quoi qu’il en soit, puisque malgré tout vous détenez le pouvoir, et que vous restez un interlocuteur obligatoire, entendez qu’en tant que citoyen, émanation authentique du peuple auquel vous devez le respect, je réclame le retrait de ces médailles attribuées aux personnes précitées jusqu’à ce que toute la lumière soit faite sur les enquêtes en cours.

Salutation : néant.

Jean-Charles Aknin, gilet jaune des Alpes Maritimes